En solidarité avec les femmes afghanes

La Fédération des femmes du Québec exprime sa plus profonde solidarité avec les femmes d’Afghanistan, les enfants, les hommes, les personnes âgées, la communauté Hazara, les paysans et les paysannes, les classes ouvrières, les personnes queer, les minorités sectaires et religieuses et les travailleurs culturels et travailleuses culturelles dans cette phase la plus récente de leur histoire.

Les États-Unis et leurs allié-e-s, dont le Canada, ont envahi l’Afghanistan en 2001 après les attentats du 11 septembre et plus de 3000 personnes sont mortes dans ces attaques. En Afghanistan, au cours des 20 années qui ont suivi, environ 1 million d’Afghans et d’Afghanes ont été tué-e-s ou déplacé-e-s.

Depuis le 15 août dernier, les talibans ont repris le contrôle de la majeure partie du pays et le gouvernement afghan s’est effondré. Les talibans ont consolidé leur emprise, ont nommé un gouvernement entièrement masculin et ont imposé des contrôles stricts, en particulier sur les femmes. Ils ont remplacé le ministère des femmes par le ministère de la promotion de la vertu et de la prévention du vice, excluent les femmes de la main-d’œuvre rémunérée à l’extérieur du foyer en restreignant la participation des femmes uniquement aux domaines de l’éducation, des « poursuites » et de la santé (selon l’idéologie des Talibans), et n’ont pas encore permis aux adolescentes et aux femmes de retourner dans leurs établissements d’enseignement.

Le peuple afghan a connu près de quatre décennies de violence et de guerre à partir de 1979, lorsque les États-Unis ont déclenché une guerre par procuration, utilisant les moudjahidines contre le gouvernement afghan soutenu par les Soviétiques. Ils et elles ont obtenu le soutien des Saoudiens et du Pakistan dans une guerre présentée comme une guerre sainte contre les communistes. Les moudjahidin ont été financés par les gouvernements américain et saoudien. Cela a été suivi en 1994 par les talibans, composés principalement d’Afghans qui avaient grandi dans des camps de réfugiés au Pakistan. Ils ont également été financés par les Saoudiens, les États-Unis et l’armée pakistanaise. En 2001, les talibans contrôlaient environ les ¾ du pays et imposaient leur interprétation stricte de la loi musulmane. Les conséquences désastreuses de cette soi-disant islamisation ou islam politique (non seulement en Afghanistan, mais dans les régions voisines comme le Pakistan) pour les femmes, les minorités religieuses, les artistes, les chanteurs, les chanteuses et les gens ordinaires sont bien documentées.

La FFQ reconnaît que l’invasion américaine et alliée de l’Afghanistan en 2001 avait moins à voir avec « sauver » les femmes afghanes et plus à voir avec des objectifs militaires et stratégiques – l’accès aux oléoducs et les intérêts géopolitiques. Néanmoins, il y a eu une instrumentalisation du statut de la femme pour obtenir un soutien et générer une légitimité pour l’invasion et les 20 ans d’occupation qui ont suivi. La situation en Afghanistan aujourd’hui est une conséquence directe des interventions impérialistes et colonialistes qui n’avaient pas grand-chose à voir avec les gens directement touchés. Ainsi, nous nous félicitons de la fin de l’invasion et de l’occupation illégales de l’Afghanistan par des forces étrangères, mais nous restons extrêmement vigilantes en ce qui concerne la sécurité, la dignité et les droits des femmes et des filles, étant donné les antécédents d’abus et d’abrogation des droits des femmes par les talibans.

Pour reprendre les termes de l’Association révolutionnaire des femmes d’Afghanistan (RAWA) : « C’est une blague de dire que des valeurs telles que les « droits des femmes », la « démocratie », la « construction de la nation », etc. faisaient partie des objectifs des États-Unis et de l’OTAN en Afghanistan ! Et ils disent aussi qu’au cours des 20 dernières années, l’une de nos demandes était la fin de l’occupation US/OTAN et encore mieux s’ils emmenaient leurs fondamentalistes et technocrates islamiques avec eux et laissaient notre peuple décider de son propre sort. Cette occupation n’a entraîné que des effusions de sang, la destruction et le chaos. Ils ont transformé notre pays en l’endroit le plus corrompu, le plus précaire, la mafia de la drogue et le plus dangereux, en particulier pour les femmes. »

À la suite de cette pandémie, alors que toute la société afghane est confrontée à de graves crises à plusieurs niveaux, ce sont les femmes et les filles afghanes qui se trouvent au bout de cette courbe. Elles sont à l’intersection du colonialisme, du chaos politique, de l’effondrement économique, des déplacements et de l’instrumentalisation de leur situation désastreuse par des puissances étrangères sauveuses blanches ainsi que la militarisation des idéologies patriarcales religieuses fondamentalistes qui se justifient au nom des droits des femmes ou de la religion. Les femmes sont exclues de la sphère publique. Nous voyons le danger de cet effacement intentionnel des versions féminines du récit public et nous soulignons le besoin urgent de fournir des efforts pour atteindre ces femmes et ces filles et faire entendre leur voix sans les exposer à un potentiel danger.

À travers cette déclaration, nous souhaitons offrir un contre-récit aux positions binaires de triomphe face au retrait de l’invasion illégale des États-Unis sans analyse comparative entre les sexes ou pleurant la prise de contrôle du patriarcat religieux fondamentaliste sur la prétendue démocratie. Nous nous opposons aux représentations féministes libérales orientalistes et aux généralisations excessives des femmes musulmanes du monde entier en tant que mineures opprimées et impuissantes ayant constamment besoin d’être sauvées.

Notre position à la FFQ est éclairée par notre engagement à reconnaître les obstacles structurels et systémiques auxquels les femmes et les filles afghanes doivent faire face lorsqu’elles aspirent à une vie sans violence ni préjudice. La FFQ soutient pleinement la participation significative et substantielle des femmes dans tous les aspects de la vie en Afghanistan conformément à la résolution 1325 de l’ONU (la résolution sur les femmes, la paix et la sécurité) et que tous les Afghans et toutes les Afghanes, sans distinction de sexe, d’origine ethnique et de religion, soient égaux et égales devant la loi . Nous sommes contre toute intervention de l’État qui limiterait les droits des femmes et des communautés marginalisées. Notre solidarité est avec les femmes en Afghanistan qui descendent courageusement dans la rue malgré la répression à laquelle elles sont confrontées, pour exiger qu’elles soient autorisées à reprendre leur travail et leur éducation.

En ce moment, il y a une énorme crise de réfugié-e-s et de déplacements internes en Afghanistan. Il y a une crise économique. Les gens vendent tout ce qu’ils et elles peuvent pour acheter de la nourriture pour leurs familles. L’ONU a mis en garde contre une « catastrophe humanitaire » imminente, avec des services de base sur le point de s’effondrer et a exhorté les pays à fournir un financement d’urgence. Sur les 1,3 milliard de dollars actuellement demandés par l’ONU, seuls 39 % ont été reçus. L’exclusion croissante des femmes de la vie publique aggrave la crise en Afghanistan. Les efforts pour améliorer la situation doivent se concentrer sur les besoins et s’associer aux femmes et au peuple afghans.

Chaque fille devrait et doit pouvoir accéder à son droit à l’éducation, être à l’abri des mariages forcés, de tous les types de violence et d’exploitation sexiste et se voir accorder les mêmes droits et libertés que les garçons. Chaque femme doit avoir les mêmes droits. La FFQ appuie fortement les femmes afghanes dans leurs revendications de participer pleinement à la vie de leur pays. Nous devons écouter la voix des féministes afghanes et des militantes des droits des femmes. Les droits ne doivent pas être à nouveau troqués ou instrumentalisés. C’est la seule voie à suivre.

La FFQ réclame :

  • Collaboration des pays voisins pour garder leurs frontières ouvertes et sûres pour les réfugiés en fuite
  • Fraternité et solidarité avec les groupes de femmes afghanes féministes de la base alors qu’elles luttent pour réclamer l’égalité des droits humains et inclure les femmes afghanes dans tous les efforts de consolidation de la paix et de résolution des crises politiques
  • Solidarité de tous les mouvements de femmes nationaux ou internationaux pour faire pression sur les gouvernements et les dirigeants mondiaux en exigeant une action urgente qui soutienne et collabore avec les femmes et le peuple afghans sans leur imposer des solutions occidentales toutes faites.
  • Sensibiliser à la situation des femmes et des filles en Afghanistan qui sont gravement menacées par l’idéologie politique des talibans et le faire d’une manière qui place ces femmes au centre de la narration de leurs propres histoires et du partage de leurs propres solutions envisagées afin d’offrir représentations authentiques alternatives aux représentations stéréotypées des médias grand public de ces femmes
  • faire des dons pour consolider les efforts des organisations de secours humanitaires comme l’UAFA&P pour fournir des ressources et assurer la sécurité des femmes défenseures des droits humains en Afghanistan. Vous pouvez les joindre à https://www.uafanp.org
  • Signature de cette lettre adressée au premier ministre Justin Trudeau à la fois par des organisations et des défenseurs des droits humains au Canada https://amnistie.ca/participer/2021/afghanistan/le-canada-doit-proteger-les-ressortissantes-afghanes

SOURCES

https://www.hrw.org/report/2020/06/30/you-have-no-right-complain/education-social-restrictions-and-justice-taliban-held

https://mcusercontent.com/eb520eecfe82a5bf0d814ea1f/files/047731c3-b073-0518-e3e6-0c82d9be021c/5856_A_HRC_48_NGO_WFWPI_Statement_Afghanistan_En.pdf?mc_cid=020651fb57&mc_eid=ce99a2f32f