Covid-19 : Le droit à la santé est-il un privilège?

En ces temps de pandémie, la Coalition pour l’éducation à la sexualité, qui rassemble une centaine d’organisations pancanadiennes, nationales, régionales et locales (la Fédération des femmes du Québec en est membre), s’inquiète pour ses groupes membres ainsi que les populations qu’ils desservent. Certaines de ces dernières, parmi les plus vulnérables et marginalisées de notre société, paient plus fort que les autres le prix de la crise sanitaire actuelle. Respecter les mesures de confinement et de distanciation sociale est un luxe et un privilège que tous·tes ne peuvent pas se permettre.

Les  travailleur·euse·s de première ligne qui œuvrent notamment en éducation et santé sexuelles dans le milieu communautaire, le font dans des conditions de plus en plus difficiles et dangereuses et le matériel de distribution (condoms, matériel d’injection stérile, produits désinfectants, etc.) ainsi que les ressources manquent. Ces employé·e·s font face à une augmentation de l’agressivité et de la détresse de la part des personnes usagères qui, elles, (sur)vivent dans des conditions d’autant plus précaires, n’ayant plus accès, ou de manière limitée, à des services et du matériel de base.

D’ailleurs, la tangente vers la répression policière prise par le gouvernement afin de faire observer les mesures de distanciation sociale et de confinement ainsi que l’esprit de délation que cela amène dans la population en général, ne fait qu’exacerber la problématique, car elle affecte démesurément ces personnes – dont plusieurs en situation d’itinérance – qui, dans bien des cas, ne peuvent tout simplement pas toutes les respecter. En leur donnant des amendes, règlera-t-on vraiment la situation?

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) s’est même récemment prononcée sur cette pratique qu’elle a qualifiée de discriminatoire. En ce sens, la Coalition pour l’éducation à la sexualité appuie la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA) dans son appel au gouvernement «pour une réponse solidaire et communautaire à la Covid-19». Ces personnes issues de diverses communautés marginalisées ont plutôt besoin de services (hébergement, nourriture, soins de santé, etc.) et cet enjeu, tout comme les conditions de vie et de travail des personnes en CHSLD et dans les résidences pour aîné·e·s, est loin d’être nouveau.

Dans la même veine, bien qu’il soit tout à fait légitime de limiter la circulation d’argent comptant, qui peut être un important vecteur de transmission du virus, le fait que des services ou commerces listés comme essentiels l’interdisent complètement impacte les personnes vivant de l’économie informelle ou se trouvant déjà dans une situation financière précaire, qui ne possèdent pas de cartes de crédit ou de débit et qui se retrouvent soudainement dans l’incapacité d’acheter le minimum essentiel pour vivre.

Ces enjeux, de même que la fermeture et la réduction de nombreux services communautaires et publics ainsi que la redirection de certains effectifs du système de santé afin de combattre la COVID-19 entraînent plus d’isolement, de détresse et de précarité chez diverses communautés, dont les droits, incluant celui à la santé (physique, mentale, sexuelle, etc.), ne sont pas toujours respectés. Par exemple, beaucoup de jeunes LGBTQ+ isolé·e·s de leur réseau d’attache vivent de la répression et de l’incompréhension de la part de leur famille, plusieurs personnes aînées ou en situation de handicap qui recevaient des soins à domicile n’en reçoivent plus et l’accès ralenti et plus difficile à des services en santé sexuelle et reproductive, notamment à la contraception et la pénurie de condoms à prévoir, entravent principalement les droits des filles, des femmes, des personnes trans et non binaires et des travailleuse·eur·s du sexe qui seront plus à risque de vivre une grossesse non désirée. Une hausse des cas d’ITSS, nommément du VIH, serait également à prévoir dans le cas d’une production insuffisante de préservatifs, principalement chez les populations plus à risque.

En terminant, les fonds publics d’urgence qui ont été débloqués pour le milieu communautaire sont essentiels pour que les organismes puissent adapter et continuer à offrir des services de manière sécuritaire aux populations les plus marginalisées, qui sont les plus affectées par la crise. La Coalition pour l’éducation à la sexualité craint cependant que ces mêmes populations ne fassent également les frais de l’après-crise, c’est-à-dire qu’elles soient visées par des coupures, notamment faites dans le milieu communautaire, afin de rétablir un certain équilibre budgétaire. Nous souhaitons que ces fonds soient plutôt maintenus, car ces enjeux ne sont pas nouveaux. Ils existaient avant la crise sanitaire, qui les a exacerbés, et continueront d’exister ou s’amplifieront après celle-ci, si le soutien financier diminue.

Références:

La Coalition pour l’éducation à la sexualité, qui rassemble aujourd’hui environ une centaine de groupes membres, a été formée à partir de la pétition «L’éducation à la sexualité, ça va pas s’faire par magie»

Source : http://www.fqpn.qc.ca/actualites/covid-19-le-droit-a-la-sante-est-il-un-privilege/

Contact presse :
Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) – Julie Robillard 514-915-3102